| Éditorial
Pourquoi consacrer deux numéros en une seule parution à la mort ? Ne suffit-il pas d’allumer la radio, la télé ou son ordinateur, ou bien d’ouvrir un journal pour être submergé d’informations et d’images sur celle-ci ? Oui… et non. La mort est dans l’actualité, certes ; mais elle y est banalisée, quand elle n’est pas scénarisée, ou parfois même récupérée, quand on la montre pour parler des relations entre pays belligérants, de l’inconscience de certains groupes pharmaceutiques ou des conséquences de la pollution.
Dans le cadre d’un reportage sur une guerre, un cataclysme, une épidémie ou un attentat, l’horreur des descriptions et des témoignages est telle que la mort appelle une réaction épidermique de dégoût ou de rejet, voire d’indifférence progressive, jusqu’à se réduire à une simple statistique désincarnée. Vidée peu à peu de son sens, la mort s’éloigne de toute la symbolique et de tous les récits dont les hommes, au fil des millénaires, et à travers leurs grands textes religieux, leurs mythes, leurs légendes et leurs contes, l’ont parée.
Notre époque est paradoxale : la mort a déserté l’espace public (on meurt à l’hôpital, on enterre hors de la ville, on ne porte plus les marques du deuil, etc.) et a envahi les médias, les jeux vidéo et le cinéma d’action. Du coup, elle s’est virtualisée. Mais qu’en est-il de la mort « ordinaire » qui frappe nos proches et nos amis, et qui nous menace ? Comment en parle-t-on ? Qui en parle ? Qui, enfin, peut lui redonner le sens qu’elle n’aurait jamais dû perdre en en faisant non plus un anéantissement de l’individu mais le moment d’un passage, d’un changement ou d’une transformation, la possibilité d’un ailleurs.
Pour cela, nous pouvons écouter les passeurs de mémoire que sont les conteurs, car leurs récits sont universels et transfigurent la vie comme la mort. De plus, grâce à leur parole, les trésors que nous ont légués les grands collecteurs (comme Sébillot dont nous parlons dans le magazine), loin de finir oubliés au fond de quelque bibliothèque, peuvent continuer de vivre et parler à notre imagination.
C’est pour ces raisons que La Grande Oreille travaille en si proche collaboration avec les conteurs, qu’elle parle d’eux et leur donne la parole : pour que leur voix porte toujours plus loin et plus haut, car ils sont plus que jamais utiles au réenchantement du monde.
Lionnette Arnodin et toute la rédaction.
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| Documents Complémentaires
Bibliographie du numéro
L’origine de la mort, traduit par Jean-Loïc Le Quellec
Les titres des différentes versions du mort reconnaissant, de Nicole Belmont
| Les sons et vidéos qui accompagnent ce numéro
• Requiem, Fauré.
• La Mort Marraine, Francine Vidal
• Passe la dormette
• Une poule blancheColette Magny, Brenda Wooton, Talila, Marina Vlady
• Berceuse chilienne, Angel Parra.
• Fais dodo, Lucienne Vernay et les Quatre Barbus
• Lul ha lay, Colette Magny, Brenda Wooton, Talila, Marina Vlady
• Lè pitit’ en mwen, Harold Abraham
• Le grand Lustukru, Colette Magny, Brenda Wooton, Talila, Marina Vlady