| Éditorial
Après deux numéros parus, il va de soi que La Grande Oreille est encore en enfance. Elle est née, elle se porte bien, il faut maintenant qu’elle grandisse, qu’elle apprenne à marcher, qu’elle prenne muscle et force. En cet été caniculaire, nous nous sommes donc appliqués à lui bâtir une charpente. Il nous fallait, pour cela, recruter une fine équipe amoureuse du conte et néanmoins armée de rigueur gestionnaire. Autour du siège inébranlable d’Olivier Poubelle, directeur de la publication, voilà désormais assises, outre votre serviteur, Lionnette Arnodin, qui signe le dossier du présent numéro, Jacqueline Guillemin, dont les familiers des soirées conteuses connaissent l’encyclopédique culture, et Danielle Fournier qui assurera la tâche nécessaire et parfois ingrate du secrétariat de rédaction. C’est dire que La Grande Oreille ne va pas rester les deux pieds dans la même pantoufle. D’abord elle paraîtra au jour (à peu près) dit. Ce n’est pas un serment d’ivrogne, c’est un engagement d’amateur de bon vin qui noyait sa honte dans l’eau quand s’accumulaient les retards, pour cent raisons incontrôlables. Ensuite il nous est apparu que l’exploration d’un thème, aussi alléchant soit-il, ne pouvait suffire à donner cours à la revue que nous voulions voir vivre. Outre les pages du dossier, nous allons donc développer une consistante partie spécifiquement consacrée à l’actualité du conte. Des portraits et découvertes de conteurs, des reportages, des comptes-rendus d’expériences nouvelles (il en est de nombreuses et souvent passionnantes), des bibliographies, des débats aussi (et tant mieux s’ils sont rudes), voilà donc de quoi sera fait le bout d’oreille qui manquait. Dès le numéro d’hiver, qui sera opportunément consacré aux métamorphoses, vous nous trouverez transformés. Il va de soi que nous espérons votre participation active. Ce n’est pas un appel au peuple, c’est une invitation à nourrir un enfant. Notre revue a l’ambition de servir cet art antique et pourtant neuf que nous aimons à pratiquer. Elle s’y appliquera. Mais nous estimerions avoir échoué dans notre entreprise si elle restait un lieu de simple information, de consommation vague. Pour qu’elle vive vraiment il lui faut du sang chaud, du désir, des passions. Il faut qu’elle trouve place “entre nous”, au sens propre. Nous avons donc besoin de réponses, tout simplement parce que nous n’avons pas le goût plus ou moins maladif de parler seuls, en l’air. Nous vous parlons à vous, qui lisez par-dessus mon épaule et qui êtes aussi dans l’amitié des contes. Alors faites nous-signe, râlez si vous voulez, mais nourrissez l’enfant. L’Oreille sera vraiment grande quand nous nicherons tous dedans.